5 mai 2020 – Rémi Checchetto

Et puis ils pouvaient tous compter les étoiles

On leur avait pourtant partout destiné

décidé, dédié une vie, toute une vie entière, et on la leur avait dessinée, la vie, toute bien droite dans les corons, un pas à pas rectiligne, des lignes de la main tirées au cordeau, des embûches détruites à la dynamite, des oui dans les pots de géranium à toutes les fenêtres

quelles promesses ! quelle douceur ! va petit homme, la bouche d’ombre de la mine n’est pas celle de la tombe ! va, va tout droit comme un I, mais non, bien sûr ce n’est pas celui d’Imbécile !

les femmes ? on leur avait lié les idées dans leur chignon, une vie toute bien au chaud, une vie en boule bien serrée, bien fichée avec des épingles dedans, que rien ne dépasse, que ça tourne en rond dans le giron du chignon et c’est très bien, très très bien ainsi !

et puis ils pouvaient tous compter les étoiles, toutes les étoiles, chaque soir que le bon Dieu fait ils pouvaient lever le nez dans les étoiles, s’abreuver de leur rayonnement gratuit, gratuit ! et même pas la peine de dire merci !

Extrait de Sépia, publié aux éditions La Dragonne.