31 mai 2022 – Laura Tirandaz

J’étais dans la foule

Une femme visage ouvert
Le cou sanglé
Ses colères à feuillage persistant
Si tu devais la dessiner en trente secondes
Que laisserais-tu

*

Celle qui a manqué sa réplique et maintenant c’est foutu
Celle qui a un haut le cœur, elle tourne la tête et ça va mieux
Celle qui sert le repas à sa propre exécution
Celle qui n’a pas pu suivre sa mère jusqu’à la tombe
Celle qui ne s’appartient pas et qui aime ça
Celle qui ferme les yeux dans un bus
Celle qui cherche ce qui pourrait ressembler à une arme
Celle qui a oublié son cachet et qui s’en veut
Celle qui se regarde sous une lumière méchante
Celle qui croit que tout se répare – celle-là j’ai envie de la gifler

*

L’animal se lève, fait le tour de lui-même et se recouche
Les ocelles se propagent
Descendent l’escalier de misère
Et reprennent le refrain où elle l’avait laissé

*

Quelques incisions sur les joues sur les arbres
Ventre déchiré sur les besoins du jour
Le soleil comme un hématome

*

Elle continue de marcher
L’eau lui monte déjà à la taille
Cette heure qui est la mienne
Que je traverse chaque jour
Sans que rien ne s’y arrête

Texte inédit.

Laura Tirandaz écrit du théâtre et de la poésie. Sa dernière pièce Feu la nuit est enregistrée par Pascal Deux pour France Culture et traduite par Mira Lina Simon pour le festival Primeurs de Sarrebruck. Ses deux recueils Sillons et Signer les souvenirs sont édités chez Æncrages & Co. Elle a traduit avec Ardeschir Tirandaz le recueil Une autre naissance de Forough Farrokhzâd édité chez Héros-Limite.

Les traits transfigurés : peinture de Guillaume Favroult