2 juin 2022 – Omar Youssef Souleimane

Un printemps imprévu

Le palmier de l’illusion   

Je rêve d’une nuit sans couteau
D’une étoile n’arrivant pas en retard
Et de colombes ayant échappé à la guillotine

M’entends-tu, Palmier ?
Mes ailes sont épuisées
Je tourne autour de joies emprisonnées
Et je chante au travers du silence des funérailles
Mon âme est kidnappée par cette matinée d’enfance
Accrochée à tes bras pour toujours

Il ne me manque rien d’autre qu’une fleur palpitant dans les ruines
Et un baiser rescapé parmi les armes des fantômes
Je voudrais seulement voir la force de l’aube
Se refléter dans les yeux de mes frères

Je te salue, Palmier
J’ai encore le souffle de ma mère dans mon sang
Et le visage d’un soldat inconnu

Jamais vu

Je n’ai jamais compris la rage de l’air
Accompagnant les chevelures des fillettes
Il déclenche un printemps imprévu

Jamais vu les larmes d’un soldat
Dans la tranchée de la nuit
Quand le feu de son village se reflète sur la lune

Je sais seulement qu’au moment d’une bataille
J’ai envie d’embrasser les regards croisés
Dans les gares abandonnées

Infini

Sur vous, force, désir
Une porte d’été s’ouvre
Amenez le matin du village
Et le pain grillé de nos jours
J’ai toujours un grain de fête
Caché dans la poche la plus secrète de l’exil

Des galaxies m’ont traversé
Les pieds sont déchirés sur les trottoirs des capitales
Et je cherche encore les murmures de ma mère sur ma peau

J’ai perdu l’étoile qui me guide vers mon visage
Brûlé dans les bras de l’infini
Seul l’orage du feu m’appartient

Mais maintenant, demain est plus loin de mon pays
Sur l’agenda de l’horizon
Rien n’est noté pour régler les comptes des frères ennemis
Seule la douceur bouge parmi les mouettes

Entre vous, force, désir
L’instant se réveille

Texte inédit.

Omar Youssef Souleimane est né en 1987 à Quoteifé, sur les plateaux du Kalamoune à une quarantaine de kilomètres au nord de Damas. Il a publié depuis son exil de la poésie dont La mort ne séduit pas les ivrognes (L’oreille du loup), L’enfant Oublié (Signum), Loin de Damas (Le temps des cerises) ; et les romans Le petit terroriste, Le Dernier syrien et Une chambre en exil chez Flammarion.