19 mars 2024 – Charles Pennequin

 À la fête du papotaire

Il était bien. Il était dans la fête. C’était une bonne fête. Avec des gens dedans. Il était bien dedans. Il tournait. Les gens étaient autour. C’était autour de la fête. Lui il tournait. Il était bien. Dans la fête. A tourner. Il était dans la fête. Il tournait en rond. Ça s’amusait. Les gens riaient et lui il tournait. Il voulait aller de plus en plus vite. Il voulait ramasser tous les rires. Il voulait prendre les rire et les conversations. Il voulait tourner en rond dans les rires et les conversations. Combien de temps ça va durer se disait-il. Il se demandait combien de temps ça dure de converser et puis rire. Il se posait des question en tournant. Les gens avaient le tournis de le voir tourner. Assieds-toi donc un peu. Viens rigoler avec nous. Viens nous parler. Mais lui il était dans la fête. C’était sa fête à lui. Une fête où ça tourne. Et ça donne le tournis. Les autres buvaient pas lui. S’il ne tourne plus il boit. S’il ne tourne plus il fume et il boit et il parle et il rit. Il le savait. Il fallait qu’il tourne autour des gens qui riaient et dansaient. Ils faisaient une fête que lui entourait. Il était entouré de gens et la fête lui tournait autour. Mais il ne voulait pas rentrer dedans car il avait sa propre fête à l’intérieur de la fête. Une fête dans la fête. Une fête qui donne le tournis aux gens qui sont venus là pour faire la fête mais pas avoir le tournis. Le tournis ça suffit disait les gens. Mais lui continuait. Coûte que coûte il lui fallait continuer le tournis. Il a tourné jusqu’au petit matin. Il aurait creusé le sol à tourner. Il aurait creusé l’espace et le sol et marqué son emprunte de son tournage. Mais il n’a rien marqué. Sauf les gens. Les gens n’avaient rien demandé et lui avait tourné autour. Les gens lui ont dit dégage. Lui ont pris son dictaphone. Ils voulaient casser le mégaphone puis ils ont déroulé la bande du dictaphone. Les gens ont cru qu’il les espionnait. Ils ont commencé à gueuler les gens. Comme au spectacle. Comme quand les gens vont au spectacle et qu’ils gueulent. Ils n’en peuvent plus de gueuler les gens au spectacle. Et eux aussi ils gueulaient durant le spectacle tournant. Ils gueulaient ils buvaient ils avaient le tournis alors ils voulaient lui péter la gueule. Ils lui ont pété ses affaires pour qu’il s’en aille et arrête de les fliquer dans la fête. C’est une fête les bras ballants disait-il. C’est une fête avec une tête morte et les bras ballants et ça tourne. Il ne discutait pas. Il ne riait pas. Ça cassait l’ambiance. L’ambiance était à rire. Tout prêtait à rire. Maintenant les gens cherchent à lui casser ses outils. Ils rient. Ferme ta gueule qu’ils lui disent. Je vais me taire qu’il leur disait. Il parlait à son dictaphone. Je vais me taire dans la parole. Pendant ce temps-là les gens le suivaient pour lui péter la gueule. Je vais faire un gros paquet de taire dans la parole. Les gens attrapent son mégaphone et lui disent ta gueule dedans. Dans tout ce qui papote je vais ramener du taire. Les gens se mettent à gueuler ta gueule après lui dans le mégaphone. Je vais tout rassembler le papoter et le taire. Les gens lui disent ta gueule dans le mégaphone en marchant derrière lui. Je vais faire du papotaire dedans. Les gens tournent autour de la fête en lui gueulant ta gueule. Je vais faire un gros papotaire. Les gens n’en peuvent plus de gueuler ta gueule. Un gros papotaire dans tout le papoté.

Biodégradable, Charles Pennequin poète fait des poèmes simplifiés ou standards des poèmes délabrés et des improvisations au dictaphone travailleur de lui-même à travers la parole de l’autre il se dit écouteur de sa propre mort dont il n’a plus de nouvelles depuis la naissance.
Dernier livre publié : Petite bande (POL), 2023.
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photographie : © Jean-Claude Liehn