11 juin 2020 – Aurélie Foglia

La maladie de l’encre

les malades on les abat

trop tard leurs troncs suent
une sueur d’encre l’homme
le tout-puissant multiple
de lui-même ne sait pas sauver
a beau tendre la main ne peut rien
sauf broyer

le printemps ne s’est pas fait
jour faute d’avoir trouvé comment
soigner on sacrifie tous les sujets
d’une population même sains
on ne sait jamais

le lieu ne dit rien à personne moi
aussi je suis atteinte j’ai trempé
des mains dans le noir
je suis née dedans

pleurant cette pluie incurable
les troncs se couchent dans le vide
je m’enfonce comment se priver
de leurs geysers dans les airs
à faire gicler l’écorce se des
quamer les mots

ces filtres feuilles d’un vert si
bleu vif qu’en avez-vous fait rien
qu’avec vos yeux regardant
les voici friables brunes sèches sous
les pas à mourir

on ne les laisse pas se décomposer
en terre interdit à cause de la possible
contagion le parasite s’attaque
aux individus châtaigniers chênes aux
doigts noircis remonte jusqu’aux racines
infeste pieds sous-sol

écrivant à ma table rase
mon corps suinte noir au lieu
de sève ce flux seul le mas
sacre l’efface

je reveux la chambre verte
le brouillon des toits au vent
la fontaine de la forêt le cou
vert des ombres sans moi
la cascade du soleil tout
en bas le moteur tourne le temps
additionne ses minuscules

bûcheronne par raison
l’absence fait place blanche
l’espace n’en peut plus de porter
tant de destruction que la page
redevient plate

marchant sur ce fatras pulvéru
lent d’os de branches
liés par la mort l’encre
tache ne peut être lavée
des arbres silence
nul merle ne stridule plus
c’était grand

allons il faut en finir
condamner la forêt comme
on fait un cheval
sur toute l’étendue
la rayer froidement
du sol nu de mémoire

Poème inédit, travail en cours.

Poète, Aurélie Foglia a commencé à publier sous le nom de Loiseleur,  (Hommage à Poe, La dame d’onze heures, Entrées en matière, Nous). Puis, sous le nom d’Aurélie Foglia, Gens de peine (Nous) et Grand-Monde (Corti). Son premier roman, Dénouement (Corti) est paru en 2019. En parallèle elle est plasticienne, peintre d’arbres (www.a-foglia.com). Comment dépeindre, va paraître aux éditions Corti fin 2020.
Elle enseigne la littérature à l’Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle et donne des ateliers d’écriture.