20 avril 2020 – Lucie Taïeb

une pierre a heurté mon œil

Une pierre a heurté mon oeil ce matin
cela suffit
je ne verrai plus que d’un côté
cela suffit pour poursuivre
je ne verrai plus que la moitié du monde
cela suffit
oeil droit, main droite
pour poursuivre ce que j’ai entrepris.
Pleuvait-il des pierres ce matin?
Je ne connais pas la main qui a jeté la pierre
si c’était une main, une fronde, un hasard ou une chance
« Faut-il poursuivre? » est une question
que je ne me pose pas
comment faut-il poursuivre quand tombent des pierres, quand il pleut des pierres,
Nos corps ne passent pas entre.
Il y a des mains, qui lancent des pierres, qui touchent des corps. Certains
sont blessés
certains courent. Certains tombent. Certains s’agenouillent.
Ils se cuirassent.
Mon corps
a cherché
à ignorer la pierre mon oeil
a pris.

Texte lu lors du festival Seconda (Paris, janvier 2019).